La banane OGM : un cas de biopiraterie dans le Pacifique ?

Article original : The Ecologist - Why is Bill Gates backing GMO red banana 'biopiracy'?

Auteurs : Adam Breasley & Oliver Tickell - Traduction : Claire Chauvet et Frédéric GUERIN- STOP OGM Pacifique

Le 24 novembre 2014

Photo: Harvey Barrison / Wikimedia Commons.
La banane rouge Dacca banana (Musa acuminata) cultivée aux Zanzibar en Afrique de l'Est - plus petite, plus bombée et plus sucrée que la varietié Cavendish - a un petit goût de framboise.

La Fondation Bill Gates a financé à hauteur de  15 millions de dollars américains dans le développement de la « super-banane » transgénique enrichie en Vitamine A, écrit Adam Breasley, et de préciser que la souche de banane utilisée est originaire de Micronésie. Quel intérêt ? Puisque la « banane rouge », naturellement riche en carotène, est déjà cultivée et appréciée dans tout le Pacifique pour ses qualités gustatives et nutritives, et ce, depuis des millénaires...

 

Parmi les projets controversés financés par la Fondation Bill et Melinda Gates, on compte la banane transgénique, biofortifiée pour booster sa teneur en fer, vitamine E et pro-vitamine A.

 

A ce jour, via la Grand Challenges in Global Health Initiative, la fondation a déjà versé 15 millions de dollars américains à l'Université Technologique du Queensland pour le programme dirigé par le Professeur James Dale, alors qu'une dernière tranche de 10 millions sera allouée cette année.


L'objectif annoncé est de promouvoir les bénéfices nutritionnels de cette banane dans les pays tropicaux en commençant par l'Inde, l'Ouganda, le Kenyan, la Tanzanie et le Rwanda, pays largement touchés par la malnutrition.


Le Professeur Dale se réjouit et confie à The Independent que "ce projet pourra avoir un impact positif énorme sur les denrées alimentaires de base à travers toute l'Afrique et ainsi améliorer la santé et le bien-être de millions de personnes sur plusieurs générations".

Pourquoi le projet est-il controversé ?

La "super-banane" GM du Professeur Dale a été créée en insérant un gène codant pour un taux élevé de beta-carotène issu d'une variété de banane Fe'i de Papouasie Nouvelle-Guinée qui a été identifiée au cours d'une étude comparative de dix cultivars de bananes jaunes et oranges. La "palme" a été remportée par le cultivar Asupina, avec le taux le plus élevé de bêta-carotène trans (le plus important des caroténoïdes, ou "pro-vitamines A"), avec 1,412μg/100 g de masse fraîche, soit 25 fois plus que dans la banane Cavendish, le cultivar le plus commercialisé au monde.

 

La "super-banane" GM du Professeur Dale relève clairement de la biopiraterie. L'Asupina originale, collectée il y a 25 ans en Papouasie Nouvelle-Guinée, et détenue depuis par le Département de l'Agriculture de l'Etat du Queensland (Queensland Department of Primary Industries ou Q-DPI), est en fait propriété légitime d'une nation et des communautés qui l'ont développée.

 

C'est pour cette raison, plus que pour n'importe qu'elle autre, que la vocation humanitaire de la "super-banane" OGM demeure douteuse.

 

Il est essentiel de noter que les "bananes rouges" riches en pro-vitamine A sont cultivées traditionnellement dans de nombreux pays sans qu'aucune modification génétique ne soit nécessaire. Elles sont populaires dans le Pacifique, en Asie du Sud, Afrique, Amérique du Sud et Amérique Centrale, et nombre d'entre-elles sont prisées pour leur saveur et leur chair tendre et sucrée.

Quel est son réel objectif ?

Des études actuellement menées dans l'Iowa, financées à hauteur de 15 millions de dollars par la Fondation Bill&Melinda Gates, consistent à tester cette banane OGM pour l'alimentation humaine. Ces études ont été conçues telles des tests consommateurs à des fins marketing. Ce ne sont pas des essais qui permettront d'établir l'innocuité sanitaire des bananes OGM pour la consommation humaine, encore moins de minutieux tests cliniques comme on pourrait s'y attendre dans le cadre de l'étude d'un nouvel aliment destiné à la consommation quotidienne d'enfants africains malnutris.

 

Le Professeur Dale voit la banane OGM comme un précurseur qui facilitera l'introduction de nombreuses autres cultures OGM en Afrique et ailleurs.

 

La Fondation Bill&Melinda Gates et le Professeur Dale ne peuvent pourtant ignorer que les chercheurs de la précédente étude d'aliments transgéniques sur des être humains, en l’occurrence le "riz doré" aux Etats-Unis et en Chine, ont été poursuivis pour violation des règles éthiques de la recherche, qui ont enlisé le projet au cœur d'un scandale international.

 

Le Comité d'Ethique de l'Université Tufts de Boston a en effet suspendu le directeur de recherche chinois en charge des essais du riz doré de sa permission à mener des tests sur des cobayes humains après avoir constaté de graves irrégularités et la violation de plusieurs règles éthiques.

 

Selon certaines sources, le American Journal of Clinical Nutrition qui avait publié l'étude de l'université Tufts se serait rétracté et aurait retiré l'article pour violation de ces règles éthiques. Il figure malgré cela dans les références scientifiques de l'étude de risque de l'OGTR (organisme australien de régulation des OGM) de la "super-banane" GM.

Une banane scientifiquement répertoriée depuis 1788

Painted in 1891, Paul Gauguin's 'Le Repas' features a Tahitian cultivar of red banana.

Revenons au problème de la biopiraterie : les bananes Fe'i (Musa troglodytarum L.) font partie intégrante de l'alimentation traditionnelle dans la région Asie-Pacifique, de Maluku en Indonésie à Hawaii dans le Pacifique en passant par Tahiti.

 

Daniel Solander a indetifié en 1788 plusieurs variétés de bananes Fe'i à Tahiti alors qu'il accompagnait le botaniste Joseph Bank et James Cook à bord du navire Endeavour.

 

L'artiste Paul Gaugin a peint les bananes rouges Fe'i de Tahiti en 1891 dans plusieurs célèbres toiles (Le repas -voir la photo, et La Orana Maria).

 

En Indonésie, elles sont connues sous le nom de pisang tongkat langit (banane "baton du ciel") car son régime a la particularité de pointer vers le ciel.

 

Au début des années 2000, Lois Englberger réalise un travail scientifique de terrain qui permet de redécouvrir les propriétés nutritives, et le taux exceptionnel en bêta-carotène de la banane rouge. C'est en effet en Micronésie qu'elle réalise, sur le tard, une thèse de biologie pour l'Université du Queensland intitulée "multiple methodology ethnographic study assessing the natural food sources of vitamin A".

 

C'est ainsi qu'elle éveille l'attention de la communauté scientifique sur les variétés de bananes Fe'i qu'elle répertorie en fonction de leurs qualités gustatives : certaines se dégustent crues, d'autres cuitent au feu de bois ou bouillies.

 

Elle aida également l'ONG Island Food Community of Pohnpei à trouver des financements pour le programme «Consommons local !» destiné à promouvoir la culture et la consommation de produits locaux dont les variétés endémiques de bananes, qui ont tendance a être remplacés par des aliments importés.

 

Son poster "Pohnpei Bananas" (voir photo) montre des photographies de 15 variétés de bananes à chair jaune riches en carotène, associées à leur taux en carotène, et d'un message expliquant les bénéfices nutritionnels qu'apportent leur consommation.


Cette campagne a permis d'augmenter de façon significative la consommation de ces variétés, et la variété "Karat" (appelée ainsi en raison de sa couleur orange et son taux exceptionnel de bêta-carotène) est devenue populaire au point d'être adoptée comme l'emblème national des Etats Fédérés de Micronésie et de figurer sur les timbres postaux.

Les OGM sont la solution ! (... mais quel est le problème ?)

Nous l'avons vu, la variété Asupina de Papouasie Nouvelle-Guinée n'est pas une variété "sauvage" comme a osé le prétendre le Professeur Dale, mais bien un cultivar Fe'i domestiqué par des agriculteurs traditionnels au cours de milliers d'années de culture et de sélection.

 

La variété Asupina que le Dr Dale et ses collègues ont prélevée pour constituer leur collection Q-DPI aurait du faire l'objet d'une collection publique, puisqu'elle est directement issues du patrimoine des peuples d'Asie et du Pacifique, et des connaissances et du savoir-faire traditionnels de Micronésie.

 

Avec le soutien de l'Ambassade d'Australie à Jakarta, le Professeur Dale a donné des conférences en Indonésie. Il souhaitait y démontrer l'absolue nécessité du recours aux OGM pour continuer à assurer une production commerciale des bananes qui font face, selon lui, à une menace d'extinction... tout en minimisant l'incroyable biodiversité des cultivars à partir desquels il basait la construction de sa banane OGM.


Le but, non avoué, de la manœuvre était en réalité de réaliser une bioprospection pour évaluer le potentiel génétique des variétés de bananes indonésiennes originaires de Maluku, dont les caractéristiques de résistance à un virus sont également convoitées car porteuses d'un vaste potentiel économique.

Monsieur Gates, pourquoi ne pas promouvoir les variétés de bananes rouges déjà existantes ?

En 2011, le New Yorker publiait un article sur la banane OGM qui suggère que les véritables objectifs du projet de développement de la banane génétiquement modifiée (dont la banane super-vitaminée ne serait que la partie visible de l'iceberg) est de dominer à terme le marché international de la banane, pour construire une « United Fruit » du 21ème siècle.

 

Cette hypothèse expliquerait la raison pour laquelle le projet de la banane GM se focalise sur l'Inde et l'Uganda : ce sont les deux plus gros producteurs de bananes au monde (lire : 'We Have No Bananas' dans The New Yorker par Mike Peed, 10 janvier 2011).

 

Toujours selon le New Yorker, la cible visée par ce projet n'est autre que le riche consommateur occidental chez qui la banane reste l'un des fruits les plus populaires. L'article note d'ailleurs que M. Dale "semble se réjouir que ni Chiquita ni Dole n'auront accès à sa création".

 

Il y a lieu pourtant de s'interroger sur l'intérêt que M. Dale aurait à créer une banane transgénique destinée reproduire ce que la nature sait déjà faire (et qui est déjà disponible avec la banane rouge de façon abondante dans plusieurs régions tropicales et sub-tropicales)... c'est que probablement parce que M. Dale projette de produire des bananes génétiquement modifiées, non pas rouges, comme les variétés traditionnelles, mais des bananes GM Cavendish, la variété commerciale de banane la plus répandue dans le monde.

 

Son intention serait-elle donc de percer le marché occidental avec la toute nouvelle banane "hautement nutritive" ? et par la même occasion d'ouvrir la voie à d'autres bananes GM aux multiples propriétés ?

 

Que d'argent gaspillé alors pour Bill Gates dont l'enthousiasme ne tarit pourtant pas ! Si, comme il le prétend, sa réelle motivation est de pallier aux carences en vitamine A de l'Uganda, il lui suffirait de promouvoir la culture des variétés de bananes rouges déjà existantes et de les diffuser dans cette région du monde où elles ne sont traditionnellement pas produites.

 

Car les cultivars de bananes riches en pro-vitamine A - savoureuses, sûres, nutritives et disponibles - ont aussi l'avantage de n'être protégés par aucun brevet, soumis à aucune redevance ni aucun autre régime contraignant de propriété intellectuelle.

 

Mais peut-être est-ce là le vrai problème.

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